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Pourquoi prendre le temps de réfléchir à sa stratégie serait l'apanage des grands groupes ?

  • jean-michelbeziat
  • 14 juin 2024
  • 8 min de lecture

Dernière mise à jour : 24 juin 2024

Article 4 : l'expression de la réflexion stratégique (1/3)



Quels Liens entre la Raison d’Être et Stratégie ?

 

Le lien entre Raison d’Être et Stratégie n’est pas une option, c’est une obligation !

 

Nous avons vu dans les articles précédents que la raison d’être exprime la façon dont l’entreprise souhaite se présenter au monde. Pour être d’une part crédible et inspirer les salariés et d’autre part rassurer les parties prenantes, nous avons vu qu’elle doit s’appuyer sur les valeurs fondamentales de l’entreprise et exprimer le projet absolu dans lequel celle-ci s’engage. C’est cette combinaison de valeurs fondamentales et de projet présenté comme une aventure au long cours qui donne sa pérennité à la raison d’être et lui confère par là même sa dimension inspirante. Elle pose le cadre dans lequel les actions de l’entreprise, qu’elles soient internes ou externes, vont durablement s’inscrire.

 

Dès lors, comment écrire cette dernière phrase et ne pas défendre l’existence d’un lien évident entre raison d’être et stratégie ? Lien d’autant plus nécessaire que s’il n’existait pas, alors la raison d’être se résumerait à une simple démarche cosmétique avec toutes les conséquences négatives que l’on peut imaginer. Le lien entre raison d’être et stratégie n’est donc pas une option, c’est une obligation, ce qui explique pourquoi s’engager dans la définition de sa raison d’être n’est en rien un acte banal.

 

Mais une fois que l’on a dit cela, quelle est la nature de ce lien ? Comment vient-il influencer la réflexion stratégique ?

 

Pour répondre à cette question, il faut tout d’abord essayer de définir ce qu’est la réflexion stratégique. Car aussi bizarre que cela peut paraître, ce concept n’a été que très peu défini. Pour ce faire, appuyons-nous sur deux définitions :

 

Réflexion : Retour de la pensée sur elle-même en vue d’examiner plus à fond une idée, une situation


-  Stratégie : Art de coordonner des actions, de manœuvrer habilement pour atteindre un but

 

Dès lors une proposition de définition de la réflexion stratégique en entreprise pourrait être :

 

Examen approfondi de la situation de l’entreprise afin de déterminer et coordonner les actions nécessaires à l’atteinte des buts qu’elle s’est assignés.

 

Cette proposition a ceci d’intéressant, qui l’intègre parfaitement dans notre développement, qu’elle dissocie réflexion stratégique et buts de l’entreprise. En effet, si l’entreprise a exprimé sa raison d’être, c’est celle-ci qui définit les buts supérieurs que l’entreprise s’est assignée. A contrario, si l’entreprise n’a pas souhaité exprimer sa raison d’être, il n’y a aucune raison qu’elle le fasse au cours de ce processus de réflexion stratégique. Dans ce second cas, le cadre dans lequel cette dernière s’inscrit reste beaucoup plus flou ou se limite comme nous l’avons déjà dit à la seule recherche du profit, ce qui reste toujours possible mais bien peu inspirant. L’équipe dirigeante pourra toujours exprimer des objectifs stratégiques mais ceux-ci perdront inévitablement de la force et de la cohérence du fait de cette absence de but supérieur.

 

Un taux de rendement des capitaux propres, un niveau de CA ou une part de marché ne peuvent en aucun cas être considérés comme des objectifs stratégiques.

 

Si la raison d’être explicite le cadre dans lequel évolue l’entreprise, alors son absence présente le risque de produire des objectifs qui n’en sont pas ou qui n’apportent aucun souffle.

 

« Sélectionner et contribuer au financement des programmes de recherche prometteurs des meilleures universités. ».

 

Même pour une entreprise technologique, cet objectif pourrait-il être accepté systématiquement par le CODIR de l’entreprise comme évidemment stratégique ? Sans autre précision, quel but certains membres du CODIR pourraient-ils associer à un tel objectif ? S’ils comprennent cet objectif comme la solution pour sécuriser le recrutement des ingénieurs dont l’entreprise a besoin, un tel effort ne pourrait-il pas être considéré comme excessif alors que l’attractivité de l’entreprise peut probablement être renforcée à moindre coût à travers la participation aux forums d’entreprises, l’acquisition de labels comme GPTW ou d’autres actions auxquelles les membres de la génération Z sont sensibles ? Si tel est le cas, à l’énoncé de cet objectif, son porteur devra très probablement l’expliquer, en justifier le financement probablement associé et entrer dans un processus qui pourrait aller jusqu’à sa remise en cause.

 

Imaginons maintenant que cet objectif est présenté alors que la raison d’être de l’entreprise est exprimée comme « résoudre les problèmes irrésolus par l’innovation » (raison d’être de l’entreprise 3M). Est-ce que cette raison d’être ne légitime pas totalement l’objectif stratégique de « contribuer au financement de programmes de recherche des meilleures universités » ? La raison d’être étant, nous l’avons vu, le résultat d’une maïeutique collective, il devient beaucoup plus difficile de remettre en cause tel ou tel objectif stratégique si celui-ci est cohérent avec elle. Concernant notre exemple, la discussion qui devrait suivre la présentation de l’objectif portera dès lors très probablement sur le processus de sélection des programmes de recherche en question, ce qui sera toujours plus profitable à l’entreprise que de perdre son temps en arguties sur la pertinence de cette action. A ce titre, la DG (et le CODIR avec elle) pourra même se demander si elle bien la mieux placée pour opérer cette sélection…

 

De même, prenons garde à des objectifs présentés comme stratégiques mais qui ne portent aucun souffle, aucune vision. En particulier, il ne faut pas confondre objectifs stratégiques et KPI. Un taux de rendement des capitaux propres, un niveau de CA ou une part de marché ne peuvent en aucun cas être considérés comme des objectifs stratégiques. Ce sont des éléments de pilotage qui permettent d’évaluer si l’entreprise est sur la trajectoire lui permettant d’espérer atteindre ses buts, rien de plus.

 


On pourrait multiplier les exemples mais ces réflexions montrent à l’évidence que la raison d’être est nécessaire à la réflexion stratégique. En effet, si elle l’encadre, elle ouvre également les possibles, met en perspective les décisions stratégiques et accroit leur pertinence pour finalement inspirer salariés et parties prenantes. Puissance inspiratrice qui semble cruellement faire défaut à un taux de rendement des capitaux propres…

 

La cohérence entre raison d’être et décisions stratégiques ne souffre aucune exception, dérogation ou atténuation.

 

Ce lien entre raison d’être et valeurs fondamentales d’une part et réflexion et décisions stratégiques d’autre part étant acquis, il ne peut dès lors n’entrainer qu’une seule règle, intangible : les dernières doivent en tout instant respecter ce que les premières expriment. Et ce n’est pas aller trop loin que de dire que cette cohérence ne souffre aucune exception, dérogation ou atténuation. C’est ce qui explique pourquoi une raison d’être ne doit pas être trop « ancrée dans son temps », trop en phase avec les sensibilités, valeurs et problématiques du moment et bien évidemment trop explicite sur l’activité de l’entreprise à l’instant T. En effet, du fait de sa pérennité, une définition trop limitante de sa raison d’être n’ouvre à l’entreprise que trois options à terme : la modifier au gré des évolutions de son activité et nier le principe même de raison d’être, la respecter strictement et en faire un carcan pénalisant pour la pérennité de l’entreprise ou (et l’on peut penser que cette option est celle qui prévaut la plupart du temps) l’oublier purement et simplement.

 

Cette exigence de cohérence absolue entre décisions stratégiques et raison d’être peut paraître excessive, voire extrémiste, mais dans un monde de l’image, où les réseaux sociaux sont devenus pour les entreprises des médias incontournables tout en échappant à leur contrôle, il est primordial de maintenir cette cohérence pour éviter de se faire « rattraper par la patrouille ». Retenir l’éthique comme valeur fondamentale et travailler dans un pays où l’on sait que rien ne se fait sans pots de vin mettra inévitablement l’entreprise concernée dans une position difficile. Une entreprise de communication qui citerait comme valeur fondamentale la durabilité aurait beaucoup de difficultés à justifier la prise en charge de la communication d’une major du pétrole. Ces exemples pourront peut-être être taxés de caricaturaux, ils n’en sont pas moins vrais.

 

Si cette exigence de cohérence peut paraître trop contraignante, il faut noter qu’elle peut aider le management de l’entreprise. En effet, au moment de prendre certaines décisions difficiles, l’existence de ce référentiel intangible peut servir de boussole au manager et l’aider à choisir la bonne option. La connaissance de ces principes permet également aux salariés concernés de mieux comprendre les raisons de la décision. Ceci est vrai des décisions stratégiques comme des décisions de management quotidien. Mais attention, pour ces dernières également, le recours à ces notions ne doit pas être perçu par les salariés comme opportuniste.

 

En conclusion, il est donc possible de dire que les liens entre raison d’être, valeurs fondamentales et réflexion stratégique sont étroits et intangibles. Mais cela ne nous dit toujours pas ce qu’est réellement la réflexion stratégique quels sont les outils qui permettent de structurer cette réflexion. Ce point fera l’objet du prochain article de cette série.



 

Pour aller plus loin, quelques exemples de raison d'être retenues par certaines entreprises :

 

Lorsque l’on lit les raisons d’être retenues par de nombreuses entreprises, nombre d’entre elles sont plus une présentation, la plupart du temps détaillée, de ce que fait l’entreprise, de ses axes stratégiques et parfois de ses valeurs. Tout à la fois trop complexes, trop longues, trop explicites, ces raisons d’être ne portent pas suffisamment de souffle, de vision pour, à notre avis, embarquer les parties prenantes en général et les salariés en particulier. Si une raison d’être doit être une invitation à vivre une aventure commune extraordinaire, une présentation trop précise, trop encadrée, ne répond pas à cet impératif.

 

A contrario, certaines raisons d’être très synthétiques ne disent rien de l’entreprise en elle-même. Trop génériques, elles apparaissent désincarnées, interchangeables et elles non plus ne portent pas le souffle de cette aventure commune.

 

Vous pourrez lire ci-après quelques raisons d’être qui semblent correspondre à ce que l’on doit attendre de cette notion :



La raison d’être de Disney explicite le cœur de son activité mais laisse un champ des possibles très large. Bien qu’elle soit un peu trop longue, à la lecture de cette raison d’être : « Être un des leaders mondiaux parmi les producteurs et les distributeurs de divertissement et d’information. A travers notre portefeuille de marques, services et produits, nous cherchons à développer les plus créatives, innovantes et profitables expériences de divertissements et de produits dérivés dans le monde », les salariés identifient l’activité (le divertissement), le terrain de jeu (le monde) et les valeurs (ambition, création, innovation, profitabilité). Aucune restriction au cinéma, c’est bien le divertissement dans toutes ses dimensions qui est l’objet de la raison d’être de l’entreprise.



La raison d’être « Remplir le monde d’émotions grâce au pouvoir de la créativité et de la technologie » explicite clairement là aussi ce pour quoi l’entreprise existe et comment elle le fait. Ses valeurs fondamentales, présentées sur le site du groupe, sont « Rêves, Curiosité, Diversité, Intégrité, Sincérité, Durabilité ». Cohérentes et complémentaires, elles permettent aux parties prenantes de comprendre pour quels objectifs et comment l’entreprise interagit avec le monde. Elle laisse entendre la latitude qui sera permise dans ses innovations, le champ des possibles est très large.



« Apporter la santé par l’alimentation au plus grand nombre ». Associée aux 4 valeurs du groupe : « Humanisme, Ouverture, Proximité, Enthousiasme », cette raison d’être indique là aussi clairement le cadre dans lequel l’entreprise pose sa stratégie et les contraintes qu’elle s’impose. A peine peut-on considérer comme un peu difficile de voir les conséquences pour les salariés des valeurs fondamentales retenues, les champs conceptuels couvert par 3 d’entre elles étant assez similaires, seule « enthousiasme » étant sur une autre dimension.



« Acteurs du développement des entreprises, du dynamisme des territoires et de l’accomplissement de chacun ». Associé aux valeurs du groupe : « Responsabilité, Ethique, Partage, Diversité, Equité », cette raison d’être a ceci de particulier qu’elle marque plus explicitement que la plupart l’engagement de l’entreprise à s’attacher à l’épanouissement des personnes en général et donc de ses salariés en particulier. De ce fait, la cohérence entre les valeurs et la raison d’être est ici encore plus impérative ainsi que le respect au quotidien des valeurs présentées.

 

« Pionniers dans l’âme pour le bien des générations ». Raison d’être compacte qui centre l’entreprise sur un état d’esprit : le terme de « pionniers » ouvre littéralement tous les possibles et d’autre part porte un état d’esprit très particulier. En effet, un pionnier est une « personne qui est la première à se lancer dans une entreprise, qui fraye le chemin ». On ne choisit pas ce terme par hasard.

 

Par ailleurs, le site de l’entreprise présente de façon originale les valeurs de celle-ci en cela qu’elles ne sont pas désignées par des mots mais par 5 phrases comme « Nos clients et consommateurs sont au cœur de nos activités » ou « nous nous attachons à réaliser une excellente performance financière durable ». Ces formulations longues permettent d’expliciter les valeurs et de leur donner plus de spécificité. Tout comme dans le cas d’In Extenso, écrire « Nous accordons de l’importance à nos équipes, nous les encourageons à relever des challenges et nous les récompensons », totalement en phase avec le terme Pionnier retenu dans la raison d’être, impose un respect absolu de cette formulation dans le fonctionnement quotidien de l’entreprise.



 

 
 
 

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